L’Audace d’Entreprendre – Contribution de Caludia Togbe

José Herbert Ahodode

L’ouvrage  » L’Audace d’Entreprendre : Une jeunesse en Action  » mène des réflexions sur les défis de l’entrepreneuriat dans le contexte africain et propose des approches réalistes pour y faire face. On y découvre également le parcours d’entrepreneurs de divers domaines – ce sont des exemples concrets et inspirants pour les jeunes. L’ouvrage est préfacé par Ibrahima Théo Lam, et Marcellin Gandonou est intervenu pour l’avant-propos.

Les entrepreneurs ayant contribué à cet ouvrage sont : Epiphane Senou, Adjaratou Lawani, Sessi Hounkanrin, Odile Gnonwin, Eulodie Hodonou, Caludia Togbe, Natacha Agbahoungba, Moustakimou Sadji, Riva Bonkoungou et Ada Bocoum.

L’Auteur, par ce canal, les remercie à nouveau pour le temps et les sacrifices.

A travers cette tribune, nous partageons, avec les lecteurs, la contribution de Caludia Togbe. Cliquez pour tweeter

Le plaisir que me procure ce parcours d’entrepreneure est tellement immense ; au quotidien, tant que c’est pour la bonne cause, je n’hésite pas à ouvrir mon salon à des initiatives qui grandissent, qui nous construisent. Pour cela, c’est avec grand enthousiasme que j’ai accueilli José Herbert AHODODE pour ce projet d’écriture. J’ai décidé d’y contribuer car je désire partager une partie de mon cheminement

Bonjour chers jeunes, aspirants entrepreneurs, je suis Caludia TOGBE, fondatrice de la marque de produits cosmétiques naturels « Origine Terre » et de la marque d’accessoires de déco « OWO ».

Pour parler de mes débuts en tant qu’entrepreneure, il faut dire que c’est après plusieurs années de chômage, de stages bénévoles dans le privé comme dans le public que j’ai commencé par réfléchir autrement… Il faut noter que les opportunités que j’avais étaient aussi conditionnées par des faveurs sexuelles auxquelles je devrais répondre. A un moment, j’ai donc dû m’arrêter pour faire le point. Par un coup de chance, j’avais bénéficié d’une enveloppe de 25.000 FCFA à un moment crucial où j’étais totalement fauchée et où mon époux avait investi tous ses moyens dans mes études et stages. La moitié de cette somme m’a permis d’entamer un commerce pour subvenir à mes besoins, afin de ne plus jamais me retrouver dans une situation aussi grave. Puis à un moment, parallèlement, je travaillais dans une association et j’ai dû démissionner parce que de moins en moins épanouie en raison d’une collaboratrice qui voulait mon poste et surtout parce qu’ayant besoin de plus de temps pour rédiger ma thèse de doctorat.

De plus, j’avais besoin d’une activité lucrative qui me rapporterait plus d’argent pour payer mes recherches de doctorat. C’est donc en faisant mon commerce en ligne que j’ai créé mon entreprise. Puis, l’une des marques de produits de maquillage que je vendais s’est installée au Bénin et des représentants m’ont intimé l’ordre d’arrêter ce commerce. Puisqu’il me fallait faire autre chose, j’ai saisi une opportunité. Depuis un moment, beaucoup (des inconnus) en ville me demandaient comment je faisais pour avoir une belle peau naturelle sans imperfection et de beaux cheveux naturels. Ayant peu de moyens, je prenais soin de moi avec des produits naturels à portée de main (comme l’aloe vera et les dérivés de baobab) et aussi parce que je suis une amoureuse des plantes et de la nature, une passion transmise par mes parents et mon père surtout qui est ingénieur agronome à la retraite.

J’ai donc commencé à vendre des matières premières permettant de prendre soin de soi sans risque, sans des dérivés de pétrole, des perturbateurs endocriniens, sans silicone, parabène, sulfate, autant de dérivés que l’on retrouve dans la plupart des produits cosmétiques importés et qui sont nocifs pour la santé. C’est ainsi qu’est née ma marque de produits cosmétiques naturels, « ORIGINE TERRE » et le salon de soins capillaires et coiffures. Donc le déclic qui m’a inspiré à arpenter le chemin de l’entrepreneuriat, c’est un assemblage de mauvaises expériences au départ : le chômage et la précarité ont été des stimulants à trouver des alternatives. Et depuis fin 2013, j’ai commencé cette merveilleuse et palpitante aventure entrepreneuriale.

Il faut dire qu’en démarrant mon activité en 2013, je n’avais aucune idée précise des directions que prendrait l’entreprise. Je ne savais pas, en me lançant, que j’en serais là aujourd’hui. Au départ, j’avais juste besoin d’acheter et vendre des articles assez rares sur le marché, afin de me faire des bénéfices, puis d’épargner pour payer mes études. C’était aussi simple. Je pensais qu’ensuite j’arrêterais, pour me trouver un travail correct, dans une plus grande structure, parce que croyant jusque-là que plus la femme est qualifiée, moins elle est exposée à du harcèlement sexuel et à des emplois conditionnés ou mal rémunérés.

Mais je me rends compte que c’est une grosse erreur que de penser cela. Et dans notre contexte, quand on est femme et de surcroît jeune, on attend des faveurs de vous, on vous considère moins, on estime que vous n’êtes pas encore assez mûre pour des responsabilités et les autres structures vous croient trop qualifiée (j’ai 3 masters, 2 professionnels et 1 master recherche) pour elles. Quand à tout cela vous ajoutez des formations pas très communes, c’est très difficile d’avoir des opportunités au Bénin avec des qualifications pareilles. Je faisais donc de la vente d’articles de maquillage et d’accessoires comme les boucles d’oreilles et les sacs au départ. J’ai même vendu des bijoux en or pendant deux ans. Ma logique était simple : « me focaliser sur des produits que les gens ne trouvaient pas aisément sur le marché et les vendre peu chers pour avoir des bénéfices qui serviraient à payer mes ouvrages que je devais commander depuis l’extérieur chaque fois ».

Avec mon parcours, j’ai mieux compris le fonctionnement du système entrepreneurial au Bénin. A mon avis, je crois que l’environnement institutionnel accompagne les entrepreneurs mais le système est mal organisé. Ceux qui bénéficient des appuis sont les entrepreneurs ayant fait leurs preuves pendant des années, parfois très difficilement ; ce qui pose l’éternel problème du financement des start-up.

En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l’exercice de mes activités, il faut dire que la première, c’est l’accès à l’investissement parce que les idées novatrices ne manquent pas ; mais quand on est jeune entrepreneur sans financement, il est difficile de se payer des machines qui coûtent des millions et parfois même de répondre à la demande sur le marché. Face à tout cela, j’essaie du mieux que je peux pour trouver des solutions adaptées. En effet, je communique beaucoup, avec les moyens de bord, mais le plus possible sur les réseaux sociaux, afin de faire connaître Origine Terre, pour ensuite avoir les moyens d’acquérir le nécessaire pour produire plus et mieux.

A terme, cela me permettrait de moins dépendre des matières premières de qualité en provenance d’Europe. La deuxième difficulté majeure que je rencontre, c’est l’accès aux matières premières de qualité en provenance du Bénin et/ou d’Afrique. La production – de matières premières – n’est pas importante chez les producteurs et la qualité n’y est pas toujours. En plus, les matières premières dont j’ai besoin et pour lesquelles on ne trouve pas l’arbre en Afrique, quand je les commande, c’est un parcours du combattant à la douane pour les récupérer. Les montants pour les dédouaner sont exorbitants et mal calculés à mon sens. Pendant longtemps, j’ai vraiment senti et dit que le contexte n’encourageait pas du tout l’entrepreneuriat par les jeunes, au contraire. Il faut être téméraire et avoir des objectifs à long terme pour tenir. S’il faut en rajouter, le troisième palier de difficultés, c’est l’accès à des contenants de qualité et le manque de disponibilité de collaborateurs corrects, engagés à faire carrière dans l’entreprise.

Entre le discours politique et les réalités des services compétents d’appui à l’entrepreneuriat des jeunes au Bénin, mon avis est qu’il y a une mauvaise organisation, beaucoup de ressources gaspillées à faire de la communication et à organiser des événements qui, au fond, n’aident pas vraiment les jeunes ciblés, en terme de gestion d’entreprise et ensuite, l’accompagnement promis ne suit pas…

Entre le discours politique et la réalité, il y a donc un fossé incroyable. Pour améliorer les dynamiques en cours, si la crainte des autorités est que les jeunes entrepreneurs ne fassent pas bon usage des fonds, que ces jeunes fassent la liste des machines dont ils ont besoin, des matières premières qui leur sont indispensables et que le gouvernement les leur achète lui-même, sans leur remettre un franc ! Si ces entrepreneurs avaient effectivement des projets solides, cela se sentira, rien que dans le plan d’affaires ou dans la liste de ce dont ils ont besoin pour faire grandir leur entreprise.

« Ce n’est pas l’argent qui crée une entreprise ; ce sont les Hommes ». Certes, mais il faut des moyens pour démarrer et faire prospérer parce que c’est l’argent qui permet de rémunérer les collaborateurs et l’équipe de travail. Mais c’est aussi vrai que les ressources humaines de qualité sont indispensables pour une entreprise et mieux une jeune entreprise. Quid des projets fortement financés, censés produire des entrepreneurs mais qui n’ont connu que des résultats négatifs ? Une fois de plus, ces projets avaient été très mal ficelés et j’ai envie de dire que ces projets ont été montés et suivis par des gens qui n’ont jamais créé et fait fonctionner une entreprise. C’est normal que ces projets échouent. Les entrepreneurs qui ont été bénéficiaires n’étaient pas prêts pour recevoir ces sommes ou alors ils n’avaient pas un projet qui les passionnait au plus haut point. Dilapider quelques fonds en peu de temps pour ensuite se retrouver fauchés, c’est normal qu’ils en soient arrivés là.

Au regard de tout ce qui a été dit, plus haut, il faut noter que le système entrepreneurial béninois est caractérisé par le faible accompagnement des porteurs de projets. Des structures existent avec des moyens de fonctionnement disponibles mais elles se révèlent inefficaces. Première chose, pas d’accompagnement, ni en termes de conseils, ni en termes de financement ; il faut tout apprendre par soi-même, mais même cette option a ses avantages quand on y est confronté.

Deuxièmement, les jeunes, la plupart du temps, manquent d’idées novatrices et copient ceux qui en ont et ensuite, les « copieurs » ont du mal à avancer, ce qui est normal parce qu’une idée novatrice, on sent qu’elle fait partie de la personne qui la créée et elle est composée de tout un ensemble logique, censé se manifester ensuite au fur et à mesure dans le temps, en dépit des difficultés. Au final, le copieur abandonne vite face aux difficultés parce que cette idée, pour lui, restera superficielle, il n’y aura pas de suite logique et passionnante ; par contre, il y a tant de nouvelles choses à faire, tant d’opportunités de travailler ensemble dans différents secteurs, qu’à mon sens, il ne sert à rien de copier trait pour trait quelqu’un qui réussit dans un domaine.

Troisième point, les choses sont souvent prises à la légère par les collaborateurs. Quand ils sont dans une jeune entreprise, quel que soit leur niveau d’étude, qu’ils soient sérieux dans l’entreprise ou pas, ils prennent tout à la légère, se sentent obligés d’aller à toutes les cérémonies au village, à toutes les fêtes et réunions de famille même les plus inutiles parce que les mobiles, parfois, laissent à désirer… C’est à tomber à la renverse et ce, en pleine semaine et plusieurs fois dans l’année. Ils partent parfois jeudi pour revenir mardi, promettent de revenir mardi mais se présentent mercredi, ou demandent toute une semaine et je pense qu’ils auraient été dans une plus grosse entreprise ou dans un pays comme le Japon ou la Chine, que cette mentalité aurait changé. Ceux qui font preuve de sérieux ne sont pas nombreux et reçoivent les moqueries des autres.

Au quotidien, je fais face à des contraintes qui renforcent ma résilience et l’entrepreneur est celui qui innove en cherchant toujours des solutions aux difficultés. Si je me retrouvais à un niveau de responsabilité pour impulser une nouvelle dynamique au système entrepreneurial béninois, je mènerai plusieurs actions.

Dans un premier temps, mon objectif sera de voir les projets innovants, qui peuvent permettre de faire du Bénin, le 1er pays africain à avoir fait telle ou telle chose, ou au moins le 1er pays ouest africain et ce, pour au moins une dizaine de secteurs, à propulser parce que le fonctionnement de ces entreprises aiderait à révéler le Bénin et à créer des emplois dans de nouveaux secteurs.

Ensuite, il y a certainement un répertoire de jeunes entrepreneurs qui créent et fabriquent des choses qui apportent de la valeur ajoutée ; il sera question de demander à chacun de faire une liste des 02 ou 03 machines indispensables pour lui et de les lui acheter ou les lui louer à des prix dérisoires pour qu’il puisse fonctionner et avancer dans ses projets. Par ailleurs, le secteur agricole sera davantage mis en valeur et il y a tant de possibilités qui demandent peu de moyens. Et pour finir, il y aurait des facilités de distribution et d’exportation dans la sous-région, d’expositions pour ces jeunes.

S’il faut prodiguer des conseils aux jeunes qui aspirent à l’entrepreneuriat, je dirais qu’il faut avoir une idée claire, correcte, qui passionne certes mais qui est surtout monnayable ; surtout que cela réponde à un besoin évoqué au quotidien.

Deuxième conseil : ne jamais abandonner quoiqu’il arrive, quelques soient les difficultés de parcours, les réactions de l’environnement immédiat. Il est également très important de structurer son projet et d’avoir des objectifs à court, moyen et long terme. Ce qui exige donc une grande culture de la patience pour y arriver.

Avant d’achever cette tribune à l’endroit des jeunes, je remercie encore José Herbert AHODODE de m’y avoir invité pour  offrir cette opportunité de partages. Mon mot de fin, c’est qu’au-delà de tout, il faut avoir un bon partenaire de vie, que l’on soit un homme ou une femme entrepreneur (e) et rester humble sur tout son parcours. C’est important de savoir choisir la personne qui partagera votre vie parce que le parcours d’une entrepreneure « femme » dépend aussi de son épanouissement et de son équilibre familial.

Pour ma part, je n’ai pas eu besoin d’investir dans les visuels et la mise en place des sites internet d’Origine Terre par exemple, parce que c’est mon époux qui s’en est occupé et qui est mon partenaire n°1 en tout. J’ai donc pu investir progressivement dans l’augmentation de la production et dans les ressources humaines pour d’autres secteurs. Merci à M. José Herbert pour cette opportunité offerte de partager mon expérience d’entrepreneure à travers cet ouvrage.

Pour contacter Caludia et/ou collaborer avec Origine Terre :

Site Zone Afrique, Canada et USA ; Site Zone Europe ; Facebook et Instagram : Origine Terre

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