A l’instar de la plupart des pays en voie de développement, au Bénin, la sécurité alimentaire reste encore un des défis majeurs. En réalité, la faiblesse du pouvoir d’achat s’illustre en tête de peloton parmi les plus évidentes causes en tenant compte de la production nationale par habitant. Ce contexte est venu s’aggraver par la crise sanitaire, économique et sociale en lien avec la Covid-19. Avec la survenue de la pandémie, sa propagation et les mesures de sa contenance, les économies de par le monde ont fait preuve d’une certaine fébrilité.
De plus, cette situation sanitaire a fait émettre nombre d’hypothèses. Quelles qu’elles soient, elles sont soit fondées sur des théories de changement radical, soit sur celles prônant le retour à la normalité. C’est à croire que l’indécision ou la neutralité sont les seul absents de la scène orchestrée par le coronavirus. Il est de ce fait normal, au regard des dynamismes observés au Bénin, qu’on élucide sur le plan de la sécurité alimentaire ses enjeux pendant la crise ainsi que les réponses de ses acteurs afin d’aboutir à des projections sur les futurs de l’alimentation.
Les enjeux de la sécurité alimentaire au Bénin en lien avec la Covid-19
L’économie béninoise est tournée vers l’agriculture et les industries de transformation des produits issus de l’agriculture, secteurs largement centrés sur les produits d’exportation tels que le coton, l’anacarde et l’ananas et vers le commerce. Avec les frontières fermées et donc la baisse drastique du commerce avec le reste du monde, le coronavirus, aura donc enseigné plus d’un. D’ailleurs, depuis le Sommet Mondial de l’Alimentation de Rome 1996, il a été retenu formellement que « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».
En lien avec les réalités béninoises, il est clair que la pandémie aura été à l’origine de disruptions sur divers plans dont celui de la sécurité alimentaire. C’est dire que parmi les principaux défis du Bénin en matière de sécurité alimentaire figure le maintien ou le renforcement du pouvoir d’achat des béninois pour leur donner les moyens d’observer les règles barrières et mesures sanitaires prises au regard de l’évolution de la pandémie.
Est-il possible de diriger ou d’orienter un être humain affamé ? La réponse serait affirmative dans la mesure où il dispose de quoi s’alimenter ou qu’on le lui miroite. Si non, l’instinct de survie prendra le dessus sur la raison, ce bon sens qui le distingue des animaux. Il semble qu’aucun Etat au monde n’a pu échapper à cette dure réalité durant cette pandémie.
Les dynamiques des acteurs en lien avec la sécurité alimentaire face à la Covid-19
Qu’ils soient gouvernants, gouvernés, société civile et/ou entreprises, tous semblent avoir pris très au sérieux la pandémie de la COVID-19 dès la détection du tout premier cas sur le territoire le 16 Mars 2020. Dès les lendemains de la crise et des premiers cas décrétés, tous les acteurs se sont mis d’accord sur la nécessité de prendre les dispositions idoines pour sécuriser les populations. C’est dans cette logique qu’un confinement général avait été imposé avec les conséquences dans un contexte où la population est occupée, en majorité, par les activités du secteur de l’informel. Une réalité qui rend difficile les limitations de déplacement dans un contexte où le gagne-pain quotidien, la pitance, se cherche chaque jour. Il est donc aisé de comprendre comment les populations ont vécu le cordon sanitaire et les limitations imposées par le Gouvernement du Bénin.
Difficile de comprendre les comportements véreux de certains acteurs, notamment des commerçants qui, en voulant profiter de la crise, ont procédé à la surenchère des prix des produits de consommation de première nécessité. Ce qui a conduit le Gouvernement, à travers son Ministère du Commerce, à prendre une note pour décourager la surenchère orchestrée. Cela a, notamment, mis en garde les commerçants et autres acteurs des circuits de distribution des produits alimentaires. Aussi loin qu’on puisse s’en rappeler, cette décision est historique au Bénin et confirme le souci permanent de l’Etat de s’occuper du bien-être de la population.
En sus, après quelques mois où les entreprises de divers secteurs ont connu d’énormes difficultés de trésorière, le Gouvernement a lancé une vaste opération de recensement des secteurs touchés par la pandémie puis a octroyé un dédommagement forfaitaire. C’est avec une enveloppe financière de 74 milliards de FCFA que l’Etat béninois a pu alléger les peines des populations et des entreprises. De plus, le Gouvernement a pris trois mesures spécifiques pour un montant de 100 milliards FCFA suivant la logique de permettre aux entreprises agricoles d’avoir accès au crédit à 12 % au plus et partiellement garanti par l’Etat.
Faciliter et garantir l’accès au financement aux exploitants agricoles pour contribuer à la croissance de la production végétale, animale et halieutique, tel était l’objectif visé par le gouvernement en initiant des mesures complémentaires dans le cadre de l’atténuation des effets économiques de la pandémie du Covid-19. Ces différentes mesures ont permis (permettent et permettront) aux entreprises agricoles d’avoir accès au crédit à un taux maximal de 12 % et partiellement garanti par l’Etat.
Les ministres concernés par le sujet sont montés au créneau pour expliquer le mécanisme de mise en œuvre desdites mesures qui viennent compléter celles prises en faveur de certaines catégories d’entreprises par le gouvernement. Ces successifs actes posés par le gouvernement ont ainsi permis aux citoyens béninois de toujours disposer d’une certaine capacité à aller sur le marché et se fournir en vivriers. C’est d’ailleurs non seulement pour soutenir les producteurs mais également pour rendre toujours effective la disponibilité des produits agricole de qualité que le gouvernement béninois a fait don de 10 millions de FCFA de semences à plus de 400 producteurs maraîchers dûment affectés par la pandémie.
Pour conclure sur les dynamiques observées au niveau des dirigeants, remarquons le passage à la digitalisation et la simplicité du processus de création des entreprises. C’est dire que dorénavant de chez soi, tel que recommande la pandémie de la Covid-19, toute personne désireuse de créer une entreprise peut le faire. Il faudra croire qu’en plus de l’opportunité due à la Covid-19, que c’était la main tendue qu’attendait cette jeunesse béninoise avide d’entreprendre.
En ce qui concerne les partenaires techniques et financiers, ils ne sont pas restés du reste dans la prise de mesures et d’initiatives face à la Covid-19. Les défis que présente la réduction de la pauvreté dans les pays en voie de développement et au Bénin en particulier ne sont plus à démontrer. Avec la crise du coronavirus, beaucoup ont émis l’hypothèse que plus rien ne serait comme avant. C’est qu’il s’agit d’un épisode sans précédent, révélateur de beaucoup de lacunes mais aussi de capacités d’adaptation.
En effet, les initiatives qui permettront de sortir des difficultés économiques ne se limitent pas à la seule bonne gouvernance politique des États, ni à leur seule volonté économique solitaire. Ils passent par l’effort conjugué des gouvernements et des institutions financières internationales en vue de financer la stabilité économique par des investissements massifs dans le secteur agricole, secteur très prometteur pour une croissance diversifiée, la sécurité alimentaire, et la nutrition.
Dès lors les institutions financières internationales comme le Fonds International de développement agricole (FIDA) ont joué un rôle crucial dans la mise en œuvre de stratégies pour assurer la résilience des populations face à la sécurité alimentaire. Sans s’y limiter et pour ne pas se lancer dans le listing des initiatives, il faut néanmoins reconnaître que divers partenaires au développement sont intervenus au Bénin dans l’objectif de soutenir l’Etat et les populations à travers des projets ponctuels. Il est opportun de réfléchir à des approches pouvant permettre de faire davantage face aux disruptions observées.
Comment rendre résilient l’agriculture béninoise dans cette crise ?
Les artisans agricoles béninois, ces braves paysans, comme on les désigne familièrement, sont encore, une fois de plus, sollicités pour rendre le peuple béninois fier en ces temps difficiles de presque cessation des échanges planétaires, donc de disponibilités relatives des produits importés qui jonchent la plupart du temps le panier de la ménagère béninoise. L’urgence est donc là. Il faudra alors ne plus compter sur les stocks préétablis pour les moments de pénuries en vue des ventes meilleures. Dès lors, il est plutôt question pour l’agriculteur, de pouvoir faire le choix délibéré de déstocker pour aujourd’hui survivre tout en renouant avec la production, celle qui bien sûr serait possible selon les caractéristiques pédoclimatiques du moment.
Le corona virus aura donc sonné le glas de la nécessité de la prise de conscience de l’autosuffisance alimentaire. Produire pour aujourd’hui mais également pour demain ; le Bénin a dorénavant dos au mur face à cet enjeu majeur. Il est évident que les actions futures à envisager sont celles qui assurent l’autonomisation des systèmes alimentaires car la pandémie a révélé les insuffisances de la dépendance. Nous pensons qu’il est opportun d’inciter et conforter le développement d’une certaine économie manufacturière locale.
La morosité des activités portuaires battant son plein en ces temps, la flambée des prix des produits tant d’importation que locaux ne s’est donc point fait attendre. Comme le prévoit d’ailleurs la théorie économique, il n’a pas fallu longtemps pour que s’observent des comportements de substitution de nombre de biens. La compétence locale s’est donc naturellement fait inviter. Elle revenait d’ailleurs de loin. Certes, elle était présente mais enfoui dans un paisible sommeil forcé dû aux échecs répétés subis lors de ses successives tentations de participation au marché local.
En réalité, plus d’un avaient déjà perdu la bataille du marché tant que l’offre extérieure était si intense avec des coups de cession de plus en plus bas tandis que nombre de celles locales, malgré tous leurs efforts continuaient à déverser sur le marché des produits qui de plus en plus semblaient prendre de la valeur financière aux yeux du Price-Taker que représentait tout consommateur, qu’il soit béninois ou non. La Covid-19, vient de donner la voix à des orateurs sans voix. L’opportunité était là quoique bien déguisée en défi. Car plus que jamais l’industrie béninoise pouvait se dresser et vigoureusement faire face à cette crise en apportant de ses solutions manufacturées pour le bonheur et la fierté du consommateur béninois.
Par ailleurs, les défis du stockage et de la gestion des produits vivriers sont devenus cruciaux dès lors que le temps ne semble point jouer en la faveur de qui que ce soit dans ce combat planétaire contre la Covid-19. En effet, au Bénin, le secteur primaire représente 28,1% du PIB, le secteur secondaire 14,6% dont 6% pour les industries agroalimentaires et 4,4% pour le BTP, et le secteur tertiaire 48,8% du PIB dont 13% pour le commerce et 9% pour le transport.
Les exportations (450 Mds XOF en 2018 hors réexportations) sont très concentrées sur trois catégories de produits à savoir le coton fibre (55% des exportations du pays), la noix de cajou (15,5% des exportations) et les oléagineux (4,5% des exportations). Notons que ces divers secteurs ont été impactés par la crise et les différentes actions ont permis de faciliter le vécu des populations. Il est besoin dès lors de maintenir la dynamique sociale de soutien aux populations et de se projeter continuellement. C’est de cette manière qu’on peut en permanence se remettre en question, revoir nos options, tout en s’inscrivant dans une dynamique programmatique sur les questions liées à la sécurité alimentaire. C’est le moment, plus que jamais, de miser sur les synergies entre les acteurs de divers ordres pour ensemble tenir la riposte face à la pandémie révélatrice de nos insuffisances multiples.
Par José Herbert Ahodode, Agronome socio-économiste, Youth in Soil.
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Cet article fait partie de Covid-19 Food/Future, une initiative du projet SEWOH Lab du TMG ThinkTank for Sustainability (https://www.tmg-thinktank.com/sewoh-lab). Elle vise à fournir un aperçu unique et direct des impacts de la pandémie Covid-19 sur les systèmes alimentaires nationaux et locaux. Suivez également @CovidFoodFuture, nos journaux vidéo de Nairobi.
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