Bénin : comment renforcer la compétitivité du riz local face à l’importation ?
Dans cet article, je m’intéresse à la question de savoir comment renforcer la compétitivité du riz local face à l’importation massive en prenant le cas du Bénin. En effet, le riz représente la deuxième céréale consommée après le maïs au Bénin et la troisième en termes de production après le maïs et le sorgho. Le pays importe de grandes quantités de riz pour satisfaire ses besoins alors qu’il existe un potentiel non négligeable pour la production. En 2019, les importations de riz au Bénin étaient évaluées à 774 milliards USD soit (1,5 millions tonnes de riz). Quelles sont les stratégies pour renforcer la compétitivité du riz local produit au Bénin et limiter l’importation massive ?
Des potentialités et obstacles de la production du riz local
Malgré les conditions édaphiques/climatiques favorables avec de grandes superficies arables et un réseau hydrographique fourni, le développement de la riziculture béninoise reste confronté à plusieurs défis. La vallée de l’Ouémé, la deuxième plus riche au Monde après le Nil égyptien, est une preuve de potentialité naturelle dont la valorisation efficiente apporterait un souffle nouveau au riz béninois. Pour les riziculteurs, certains facteurs comme la faiblesse d’organisation des acteurs et l’accès difficile aux marchés, aux ressources financières pour les investissements (mécanisation, culture attelée, irrigation) grèvent la compétitivité du riz local face au flux important de riz importé.
Dans la pratique, on reste largement dans un schéma où les institutions – fussent-elles « coopératives » – demeurent prescriptives ne considérant pas les producteurs comme acteurs. C’est le cadre qui a sévit des décennies durant maintenant les campagnes hors de l’entreprise et cantonnant les producteurs à vendre leur produit sans aucune valorisation à des tarifs officiels, vecteurs de substantielles rentes pour des privilégiés.
Des solutions pour renforcer la compétitivité du riz local produit au Bénin
Miser sur la recherche-action pour développer de nouvelles variétés, plus productives, augmentera les rendements pour combler le déficit en termes de production locale. A titre d’exemple, Africa Rice et d’autres structures ont favorisé la mise à disposition de plusieurs variétés dont le NERICA couvrant 1,7 million d’hectares pour sortir plus de 8 millions de personnes de la pauvreté.
En ce qui concerne le capital humain, les stratégies de formation des producteurs devront se réadapter au contexte local avec de nouvelles méthodologies de vulgarisation considérant les producteurs comme acteurs. Pour accroître le potentiel de productivité, la réorganisation des chaînes de valeurs rizicoles devrait promouvoir la spécialisation des acteurs pour moderniser le secteur de la transformation/commercialisation.
Les rizeries d’Etat et les unités privées devront concevoir des modèles de contractualisation avec des groupes organisés de producteurs fournissant le riz paddy (non transformé) et, planifier leur approvisionnement en intrants spécifiques (dont les semences) avec un appui-conseil améliorant leurs capacités technique et organisationnelle.
Par ailleurs, réaliser des investissements productifs à forte mobilisation de ressources assurera la modernisation des structures de production, de transformation et le transfert de technologies innovantes. Ces investissements devront porter sur les aménagements hydro-agricoles durables (bas-fonds, périmètres irrigués), les infrastructures (stockage/conservation, transports, énergies) et les matériels de décorticage.
La mutualisation des énergies permettra de rendre disponible en quantité et en qualité le riz à bon prix sur les marchés et promouvoir « la consommation locale » au regard de la réticence à consommer du riz local en raison de sa faible compétitivité. Il faudra énormément travailler pour que le riz local gagne en qualité, en conditionnement pour s’adapter aux modes de vente modernes afin de séduire les consommateurs dont une classe moyenne en pleine expansion, très exigeante en termes de qualité.
Cette situation d’importer ce qui pourrait être produit sur place constitue une grande manne pour les importateurs, les intermédiaires et ceux qui accordent les licences d’importations générant ainsi des milliards de FCFA qui profitent aux rentiers au lieu d’aller vers les producteurs.
Une régulation réfléchie des importations, solution opportune, serait alors envisageable en s’inspirant des modèles de réussite dont celui de la Gambie qui, interdisant les importations du riz en 2016, a instauré un protectionnisme de la production et de la consommation locales. En cette période de crise, pour assurer la durabilité des systèmes alimentaires, il faudrait des décisions réalistes.
Des approches pour renforcer la compétitivité du prix
L’accessibilité au prix est un facteur handicapant la compétitivité du riz béninois, plus cher que celui importé alors que l’autosuffisance en riz assurerait la sécurité alimentaire et inverserait les tendances à une très forte dépendance. Il faut noter que la monnaie joue de son influence sur le prix car le FCFA indexé à l’euro d’une valeur fort élevée, fait que le riz des marchés extérieurs vaut bien moins cher que celui local.
A cela faudra-t-il ajouter les coûts de production, transport interne, les tracasseries, taxes et autres difficultés transactionnelles mettant le riz local hors de prix. Dans la logique de réduire les coûts de production, il faudra accompagner les producteurs par des actions pour faciliter l’accès aux facteurs de production dont le foncier (pour sécuriser l’investissement), le capital, la main d’œuvre.
Une amélioration du cadre réglementaire avec des réformes constructives réduisant les coûts de transactions (liés à l’accès aux marchés, à la recherche informationnelle) serait optimale dans la mesure où l’asymétrie d’informations pénalise et engendre des surcoûts aux producteurs.
Renforcer davantage les dynamiques rizicoles portées par l’Etat, les groupements de producteurs et entrepreneurs et faciliter l’accès au marché, au crédit agricole seraient des axes privilégiés dans l’amélioration de la compétitivité du prix. Le secteur privé ainsi que les partenaires au développement constituent des alliés stratégiques dans la dynamique du partenariat public-privé accompagnant les actions de levée des financements moins coûteux.
Il urge également de rendre les producteurs bancables par des services financiers de proximité en s’inspirant de l’essor du mobile banking pour réduire les surcoûts et développer des fonds de garantie pour favoriser l’investissement dans les facteurs de production.
Au regard de la croissance démographique, le Bénin devra tirer profit des potentialités agricoles pour accroître la production du riz local, aliment de base, afin d’assurer la sécurité alimentaire car 70% des pauvres vivent en milieu rural. Il urge donc de renforcer la résilience de la productivité du riz béninois afin d’influer sur sa compétitivité et par ricochet, celle du prix par des approches réalistes, intégrées et synergiques entre tous les acteurs.
Cet article a été publié sur le site de Wathi, un think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest, dans le cadre des débats sur l’alimentation (Bénin: comment renforcer la compétitivité du riz local face à l’importation ? – WATHI).
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